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418. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Auparavant ses conclusions allaient à n’admettre nul goût et nui génie, ni presque ressources d’aucun genre, et il y avait des moments ou l’on se sentait avec lui à la fin des temps et comme au bout du monde : il se relève à partir d’une certaine heure, et s’aperçoit qu’un souffle nouveau passe dans l’air, et pour ainsi dire que la brise fraîchit ; il la signale des premiers et la salue. […] Ce n’est pas qu’il n’ait par moments des velléités remarquables de grandeur et d’immortalité : Il est vrai que nous nous sentons une âme gigantesque et bien plus grande que notre corps. […] Cette analyse pourtant va lui enlever le seul brillant aspect sous lequel de loin on se le figure : il ne gardera pas intacts les honneurs mêmes de Fontenoy ; mais laissons-le faire : À peine ai-je pensé peu de moments en ma vie à ma gloire particulière ; je n’ai cependant jamais manqué de sentir combien elle réclame dans le coeur et dans les sens. […] Il n’en voulait pas trop à Louis XV ; il avait mieux auguré de ce prince dans sa jeunesse, il avait cru un moment qu’il serait un bon roi ; du temps que Mme de Mailly était la maîtresse favorite (décembre 1738), il lui semblait qu’elle n’avait qu’un crédit limité ; que le roi ne lui cédait pas trop, « et que, comme Henri IV, il aimait mieux les affaires de son État que celles de sa maîtresse. […] C’était vers ce moment que Voltaire revenait de Berlin et de la cour de Frédéric, où il était allé faire sa dernière école et ses dernières folies.

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