J’inclinerais pour le premier, pour le salon de Mme de Tencin à son plus beau moment. […] Même lorsque le malheur revient surprendre Marianne au moment le plus inattendu, même lorsque celui qui a tout fait pour l’obtenir et qui a surmonté tous les obstacles, Valville, lui devient tout d’un coup infidèle, on n’est pas inquiet, on n’est pas déchiré comme on le devrait ; c’est qu’elle, toute la première, elle ne l’est pas. […] Marianne, un moment délaissée, raisonne là-dessus ; elle se dit en se donnant l’explication du volage : Homme, Français et contemporain des amants de notre temps, voilà ce qu’il était ; il n’avait, pour être constant, que ces trois petites difficultés à vaincre… Son cœur n’est pas usé pour moi, ajoutait-elle, il n’est seulement qu’un peu rassasié du plaisir de m’aimer, pour en avoir trop pris d’abord. […] Le talent de Marivaux pour le roman s’y déploie, et l’on est tenté, par moments, de regretter qu’il n’ait pas été forcé, comme les romanciers de nos jours, à produire avec une promptitude et une abondance qui dégage la manière et qui fait courir la veine : il y aurait gagné peut-être certaines qualités dont son Paysan parvenu ne nous montre que les commencements. […] Tous les contemporains, Voisenon, Marmontel, Grimm, s’accordent à dire que vers la fin, et sentant que son moment de faveur était passé, Marivaux était incommode et épineux dans la société par trop de méfiance ; il entendait finesse à tout ; « on n’osait se parler bas devant lui sans qu’il crût que ce fût à son préjudice ».