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927. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Seuls, quelques raffinés288 disent : Molière, ce moraliste, n’est pas assez gai pour être comique ; la raison et la satire des mœurs prédominent trop sur l’imagination dans son théâtre ; on n’est poète et poète comique, que lorsque la Muse est en délire et lient un thyrse à la main. — À la bonne heure ! […] Mais rendez-moi ce qui m’appartient. » Pendant que l’ombre d’Aristophane murmure ces choses à l’oreille des théoriciens d’outre-Rhin, ceux de la patrie de Molière disent en chœur : Aristophane, ce rieur, n’est pas assez moraliste pour être comique ; l’imagination, dans son théâtre, prévaut trop sur la satire des mœurs et sûr la raison. […] L’un dit : la comédie se borne à représenter les mœurs des hommes dans une condition privée294, excluant par sa définition tout le théâtre d’Aristophane ; un autre : le comique exprime l’empire de l’instinct physique sur l’existence morale295, oubliant Philaminte, Armande, Bélise, Vadius, le docteur Pancrace, et Alceste. […] Non ; ce qui nous intéresse surtout, c’est d’apprendre qu’Aristophane ne développe pas d’intrigues, ne peint pas de caractères ; que son comique est une gaieté sans frein et une fantaisie sans bornes, animant, poétisant le tableau des mœurs publiques ; qu’il est tantôt lyrique et tantôt bas, à la fois cynique et charmant, tel enfin que Voltaire a pu l’appeler un bouffon indigne de présenter ses farces à la foire , et que Platon a pu dire : les Grâces choisissant un tombeau trouvèrent l’âme d’Aristophane .

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