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688. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Tous ceux qui croient à une vérité absolue, et qui par conséquent se persuadent qu’ils sont en possession de cette vérité, sont donc fatalement entraînés à une sorte d’intolérance ; ils condamnent tous ceux qui ne pensent pas comme eux, les appellent des esprits faux ou pervers, des ennemis de l’ordre social, et si cette intolérance ne va pas jusqu’aux excès des anciens âges, c’est uniquement parce que nos mœurs sont plus douces, ou encore parce que les plus clairvoyants ont été eux-mêmes atteints sans s’en douter par le mal de l’indifférence1. […] Combattre un calcul ou une expérience par un nom, par un texte, par une autorité, n’est plus dans nos mœurs, et l’on ne serait guère accueilli à l’Académie des sciences en invoquant l’autorité d’Aristote ou de saint Thomas contre une démonstration de Laplace ou d’Ampère ; mais il n’en a pas toujours été ainsi. […] Quand ils seront une minorité, ils réclameront le droit de penser autrement que la foule ; quand la société nouvelle se sera fait sa foi, ses préjugés, ses traditions, ses lieux communs, tout ce qui ne manque jamais de s’établir dans une société bien assise, les partisans des anciennes idées et des anciennes mœurs demanderont à ne pas obéir aveuglément à ce nouveau genre d’autorité.

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