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1859. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Il est rare d’ailleurs qu’un écrivain prêche le mal, et l’on compte les conseillers de mauvaises mœurs. […] Au surplus, elle a conscience qu’elle ne fait pas mal ; elle sait qu’elle est attachée à ses devoirs ; elle condamne, sans hésiter, toute erreur et toute faute ; et elle s’assure qu’elle est de celles qui peuvent tout lire… Ce qu’elle trouve d’abord dans ce livre, c’est ce décor d’une vie élégante après quoi elle a tant de fois soupiré ; elle subit le prestige qu’exerce la richesse sur ceux qui la désirent ; elle consent que ce cadre s’accommode à une morale un peu différente, à des mœurs moins sévères que celles du monde mesquin où elle est enfermée. […] Les hommes se sont organisés en société afin de travailler en commun à l’œuvre de la civilisation qui est le progrès et l’adoucissement des mœurs ; et de l’institution sociale est sortie la guerre qui n’est pas seulement un retour à la sauvagerie originelle, mais qui en est une aggravation, car les « vrais sauvages ne sont pas ceux qui se battent pour manger les vaincus, mais ceux qui se battent pour tuer, rien que pour tuer. ». […] L’éloignement adoucit, atténue, estompe les contours des choses. — Au surplus, ces peintures des mœurs étrangères sont-elles exactes ? […] Ce penseur d’une si vigoureuse intelligence et d’esprit si moderne, Montesquieu, est encore un bel esprit qui ne se gardera jamais complètement de la préciosité, un petit esprit qui cède à la vanité nobiliaire, un libertin du temps de la Régence, l’amateur d’une antiquité de convention, le curieux de voyages et de mœurs singulières.

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