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401. (1890) L’avenir de la science « V »

Si, comme Burke l’a soutenu, « notre ignorance des choses de la nature était la cause principale de l’admiration qu’elles nous inspirent, si cette ignorance devenait pour nous la source du sentiment du sublime », on pourrait se demander si les sciences modernes, en déchirant le voile qui nous dérobait les forces et les agents des phénomènes physiques, en nous montrant partout une régularité assujettie à des lois mathématiques, et par conséquent sans mystère, ont avancé la contemplation de l’univers et servi l’esthétique, en même temps qu’elles ont servi la connaissance de la vérité. […] Pour passer du beau monde poétique des peuples naïfs au grand Cosmos de la science moderne, il a fallu traverser le monde atomique et mécanique. […] Pour qu’une secte religieuse fût désormais possible, il faudrait un large fossé d’oubli, comme celui qui fut creusé par l’invasion barbare, où vinssent s’abîmer tous les souvenirs du monde moderne. […] Ces harmonieuses plaintes sont devenues un des thèmes les plus féconds de la poésie moderne.

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