L’évolution de la critique moderne est intimement liée à l’idée générale qu’on s’est faite de la littérature et de son idéal. […] Au début de la période moderne, le premier de ces éléments semble entièrement absorbé par l’autre : le goût de la culture antique a disparu avec l’empire romain, et au commencement du viie siècle, il est presque éteint. […] Ce mouvement, créé par la patience des humanistes, quoiqu’il vînt du dehors et ne fût point un produit spontané, naturel de la société moderne, devait durer trois siècles, produire un nombre énorme de chefs-d’œuvre, et finir par s’épuiser en stériles imitations. […] Mais leurs grandes œuvres, c’est dans la vie moderne même qu’ils les ont puisées, et pour traiter dans toute leur ampleur des sujets comme Hamlet et Faust, ils ont dû inventer de nouvelles formes d’art, des moules plus vastes que tous ceux connus avant eux. […] Le développement de la littérature moderne, en effet, quelque vaste qu’il soit, n’est qu’une phase du développement de la pensée humaine ; et l’histoire de la pensée elle-même rentre dans l’histoire générale de la vie sociale.