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2093. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Nous y avons gagné un Attila presque bourgeois, asiatique d’instinct, car il met la politique au-dessus de la guerre, ce qui est aussi le caractère européen de ces derniers temps, « créant des prétextes, entamant des négociations à tout propos, les enchevêtrant les unes dans les autres comme les mailles d’un filet où son adversaire finissait toujours par se prendre », spirituel, railleur, spéculant sur ses mariages, comme la maison d’Autriche, ses mariages dont il avait peu la dignité, aimant ses enfants à la manière des patriarches de la Bible, et leur tirant paternellement le joues, comme Napoléon tirait l’oreille à ses soldats enfin un Attila très pittoresque, très inattendu et très savoureux pour ceux qui cherchent dans l’histoire de sensations neuves. […] Saint Léon, que l’Église romaine appelle le Grand et que l’Église grecque appelle le Sage, saint Léon, le pontife sauveur, au-dessus de la tête duquel Raphaël a mis des apôtres et des anges pour expliquer le cabrement du cheval d’Attila devant la majesté placide du vieillard, saint Léon n’est pour M.  […] Elle savait que la mesure de toute supériorité, c’est l’éloignement qu’elle met entre nous et les autres ; c’est le rayon et le diamètre de son isolement même. […] Où l’auteur des Récits mérovingiens éteint sa couleur, l’auteur des Récits d’histoire romaine n’en met point, parce qu’en réalité il n’en a pas. […] Amédée Thierry, lequel n’a mis, en ces vastes et ambitieuses histoires, ni le portrait d’un homme fièrement tracé, ni une page touchante ou grandiose, ni rien de ce qui fait qu’on lit Montesquieu, par exemple, quand on ne lit plus Boulainvilliers ; rien enfin de ce qui fait qu’un écrivain ne périt pas sur ses idées en ruine, parce qu’il avait, dans ce misérable brimborion qu’on appelle une plume, une goutte d’immortalité !

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