/ 2598
320. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Si le prince se renferme dans ses attributions, s’il est retenu sur la pente de l’arbitraire, s’il ne verse pas dans l’égoïsme, il fournit au pays l’un des meilleurs gouvernements que l’on ait vus dans le monde, non seulement le plus stable, le plus capable de suite, le plus propre à maintenir ensemble vingt ou trente millions d’hommes, mais encore l’un des plus beaux, puisque le dévouement y ennoblit le commandement et l’obéissance, et que, par un prolongement de la tradition militaire, la fidélité et l’honneur rattachent de grade en grade le chef à son devoir et le soldat à son chef. — Tels sont les titres très valables du préjugé héréditaire ; on voit qu’il est, comme l’instinct, une forme aveugle de la raison. […] Rousseau convoque les générations par la trompette du jugement dernier et s’y présente hardiment aux yeux des hommes et du souverain juge : « Qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus meilleur que cet homme-là411 !  […] Avec tout cela, je mourrai persuadé que, de tous les hommes que j’ai connus en ma vie, nul ne fut meilleur que moi. » — À Mme B. 16 mars 1770. « Vous m’avez accordé de l’estime sur mes écrits ; vous m’en accorderiez plus encore sur ma vie si elle vous était connue, et davantage encore sur mon cœur s’il était ouvert à vos yeux. Il n’en fut jamais un meilleur, un plus tendre, un plus juste… Tous mes malheurs ne me viennent que de mes vertus. » — À Mme de la Tour. « Celui qui ne s’enthousiasme pas pour moi n’est pas digne de moi. » 412. […] Confessions, 2e partie, IX, 361. « J’étais si ennuyé des salons, des jets d’eau, des bosquets, des parterres et des plus ennuyeux montreurs de tout cela ; j’étais si excédé de brochures, de clavecin, de tri, de nœuds, de sots bons mots, de fades minauderies, de petits conteurs et de grands soupers, que, quand je lorgnais du coin de l’œil un simple pauvre buisson d’épines, une haie, une grange, un pré, quand je humais, en traversant un hameau, la vapeur d’une bonne omelette au cerfeuil…, je donnais au diable le rouge, les falbalas et l’ambre, et, regrettant le dîner de la ménagère et le vin du cru, j’aurais de bon cœur paumé la gueule à Monsieur le chef et à Monsieur le maître qui me faisaient dîner à l’heure où je soupe et souper à l’heure où je dors, mais surtout à Messieurs les laquais qui dévoraient des yeux mes morceaux, et, sous peine de mourir de soif, me vendaient le vin drogué de leur maître, dix fois plus cher que je n’en aurais payé de meilleur au cabaret. » 418.

/ 2598