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915. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Je me suis si doucement accoutumé à la société de vos feuilles, de votre piano-forte (quoi qu’il m’ennuyât quelquefois), de tout ce qui vous entoure ; j’ai si bien contracté l’habitude de passer mes soirées auprès de vous, de souper avec la bonne Mlle Louise, que tout cet assemblage de choses paisibles et gaies me manque, et que tous les charmes d’un mauvais temps, d’une mauvaise chaise de poste et d’exécrables chemins ne peuvent me consoler de vous avoir quittée. […] C’est le seul plaisir coûteux que je veuille me permettre ; encore ai-je contrived de le rendre aussi peu coûteux que possible : mon cheval, qui n’est pas mauvais pourtant, ne me coûte que dix louis. […] C’est comme cela que mon père et moi nous ne sommes jamais bien, et c’est aussi, je crois, de là que viennent beaucoup de mauvais ménages. […] « Il y a un bien mauvais raisonnement dans cette lettre dont je vous remercie si vivement, et je ne sais si ce raisonnement ne mériterait pas que j’étouffasse ma reconnaissance. […] Ce 14 septembre 1789. » La réponse ou le projet de réponse qu’elle lui adressait est sous nos yeux, sur le papier même et au revers de la lettre d’injure : « Faites-moi la grâce de me dire si vous êtes bien ingrat et bien mauvais, ou si vous n’êtes qu’un peu fou.

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