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473. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Pour tous, c’est bien plutôt la matière de l’art que l’art lui-même ; ce n’est pas leur vie franchement dévote qui s’exprime, c’est leur vie douteuse, incrédule, affligée, qui cherche confort, et qui trouve cet aliment. […] D’ailleurs il se livre rarement à cette contemplation ; son génie le porte à individualiser la vie, c’est-à-dire à peindre toutes les formes de ce qu’on appelle la matière et de ce qu’on appelle l’esprit ; à peindre des portraits, des caractères et des passions. […] Par une conséquence nécessaire, la poésie de l’un se rapproche plus de la musique ; celle de l’autre, de la sculpture et de l’architecture : ce qui ne veut pas dire que l’un spiritualise la matière, et que l’autre matérialise l’esprit. […]  » Oui, grand poète, tu sais dire la superstition de l’Arabe, qui croit voir, à travers la vapeur de sable que soulève le simoun, l’ombre de Buonaberdi debout sur le sommet d’une pyramide, ou l’illusion du matelot qui voit planer cette ombre, entourée de nuages, sur le pic de Sainte-Hélène ; tu sais chanter la fée et la péri se disputant une jeune âme au milieu du ciel, entre l’orient et l’occident, entre le merveilleux de la matière et le merveilleux de l’esprit, entre le paradis des houris et le paradis mystique des Chrétiens ; et quand les djinns funèbres passent en sifflant dans les airs, ton vers, comme une onde sonore, associe tous les degrés du sentiment, depuis le calme le plus profond jusqu’à la terreur la plus vive, à tous les degrés du son, depuis le souffle le plus léger jusqu’à la plus horrible tempête, par une admirable combinaison d’harmonie que l’art n’avait pas su encore atteindre.

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