c’est elle qui nous séduit, elle qui n’est que trouble et qu’agitation, qui ne tient à rien, qui fait autant de pas à sa fin qu’elle ajoute de moments à sa durée, et qui nous manquera tout à coup comme un faux ami, lorsqu’elle semblera nous promettre plus de repos. […] Pour donner une forte idée des plaisirs véritables dont jouissent les bienheureux, l’orateur se dit ainsi qu’à ses auditeurs : « Philosophons un peu avant toutes choses sur la nature des joies du monde. » Et il va tâcher de faire sentir par ce qui manque à nos joies ce qui doit entrer dans celles d’une condition meilleure : « Car c’est une erreur de croire qu’il faille indifféremment recevoir la joie de quelque côté qu’elle naisse, quelque main qui nous la présente. […] Et ce que j’y aurais gagné ou perdu dans ma verve et mon éloquence, ne serait-ce pas précisément ce qui y fait excès et aussi ce qui y manque en gravité, en proportion, en mesure, en parfaite justesse, et, par conséquent, en véritable autorité ? […] De ce nombre, je citerai tout un développement moral sur l’inconstance des choses humaines et la bizarrerie de la fortune, qui déjoue à chaque fois toutes les précautions des plus prudents et des plus sages : Si loin que vous puissiez étendre votre prévoyance, jamais vous n’égalerez ses bizarreries : vous penserez vous être muni d’un côté, la disgrâce viendra de l’autre ; vous aurez tout assuré aux environs, l’édifice manquera par le fondement, si le fondement est solide, un coup de foudre viendra d’en haut, qui renversera tout de fond en comble.