Mais pendant toute cette durée le loisir a manqué pour la fine et haute culture ; il a fallu vivre et se défendre, piocher la terre, tisser la laine, s’exercer à l’arc, aller aux assemblées, au jury, payer et raisonner pour les affaires communes ; l’homme important et estimé est celui qui sait bien se battre et faire de gros profits. […] Le large espace qui s’étend entre le sol et le ciel, et sur lequel nos yeux comptent comme sur leur domaine, manque tout d’un coup ; il n’y a plus d’air, on n’aperçoit plus que du brouillard coulant. […] On peut la traiter comme une affaire, ramasser et vérifier des observations, combiner des expériences, aligner des chiffres, peser des vraisemblances, découvrir des faits, des lois partielles, posséder des laboratoires, des bibliothèques, des sociétés chargées d’emmagasiner et d’accroître les connaissances positives ; en tout cela ils excellent ; ils ont même des Lyell, des Darwin, des Owen capables d’embrasser, de renouveler une science ; dans la construction du vaste édifice, les maçons industrieux, les maîtres de second ordre ne manquent pas ; ce sont les grands architectes, les penseurs, les vrais spéculatifs qui leur manquent ; la philosophie, surtout la métaphysique, est aussi peu indigène ici que la musique et la peinture ; ils l’importent ; encore en laissent-ils la meilleure partie en chemin ; Carlyle est obligé de la transformer en poésie mystique, en fantaisies d’humoriste et de prophète ; Hamilton l’effleure, mais pour la déclarer chimérique ; Stuart Mill, Buckle, n’en prennent que l’espèce la plus palpable, un résidu pesant, le positivisme.