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396. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Faust maudit Méphistophélès avec fureur ; Méphistophélès accuse Faust avec sang-froid, et lui prouve que c’est lui qui a désiré le mal, et qu’il ne l’a aidé que parce qu’il l’avait appelé. […] Le livre de la nature est contradictoire, l’on y voit les emblèmes du bien et du mal presque en égale proportion ; et il en est ainsi pour que l’homme puisse exercer sa liberté entre des probabilités opposées, entre des craintes et des espérances à peu près de même force. Le ciel étoilé nous apparaît comme les parois de la divinité ; mais tous les maux et tous les vices des hommes obscurcissent ces feux célestes. […] « Les écrivains sans enthousiasme ne connaissent, de la carrière littéraire, que les critiques, les jalousies, tout ce qui doit menacer la tranquillité, quand on se mêle aux passions des hommes ; ces attaques et ces injustices font quelquefois du mal ; mais la vraie, l’intime jouissance du talent, peut-elle en être altérée ? […] La seconde, un peu massive, un peu colorée, un peu virile pour une apparition, mais avec de grands yeux noirs et humides qui ruisselaient de flamme et de beauté, parlait avec une vivacité et avec des gestes qui semblaient accompagner de fortes pensées ; elle se soulevait en parlant comme si elle eût voulu s’élancer de la calèche ; ses cheveux, mal bouclés, s’épandaient au vent ; elle tenait dans sa main une branche de saule qui lui servait d’éventail contre le soleil de juin ; je ne vis plus qu’elle.

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