Par une méthode contraire M. de Goncourt fait précéder une considération générale de la série de faits qui l’étayent, décrivant les fougues d’Élisa de maison en maison, pour déterminer en une généralisation l’inquiétude errante des prostituées. […] Enfin le possesseur de cette curieuse intelligence, il faut le figurer jeté dès sa jeunesse, avec son frère et son semblable, dans les remous de la vie parisienne, promenant l’aigu de son observation, la délicate nervosité de son humeur, dans le monde des petits journaux, des cafés littéraires, des ateliers, dans les grands salons de l’empire, habitant aujourd’hui une maison constellée de kakémonos et rosée de sanguines, le cerveau nourri par une immense et diverse lecture : à la fois érudit, artiste et voyageur, au fait de l’esprit des boulevards, de celui de Heine et de celui de Rivarol, instruit des très hautes spéculations de la science, l’on aura ainsi la vision peut-être exacte, en ses parties et son tout, de cet artiste divers, fuyant exquis, spirituel, poignant, solide l’auteur des livres les plus excitants et les plus suggestifs de cette fin de siècle. […] Ils annonçaient alors un roman qui n’a jamais paru, le Camp des Tartares ; ils faisaient des comptes rendus de théâtre (le Joseph Prudhomme de Monnier à l’Odéon), des notes bibliographiques ; parfois même ils chroniquaient tout simplement comme dans leur Voyage de la rue Lafitte à la Maison d’Or, et une citation gaillarde les menait en police correctionnelle. […] Une nuit à Venise est bien une fantaisie à la manière des Reisebilder, et le Ratelier aussi, sans doute avec cet alliage de minutie et de vision scrupuleuse qui marque dans la Maison d’un vieux juge les romanciers de Germinie Lacerteur.