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972. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Mais tout cela flambe et se transfigure quand il est saisi par ces trois mains de la poésie, de la musique et de la mimique… et on ne le reconnaît plus ! […] Il ne pouvait pas être un succès uni comme le plat de la main, facile à enlever comme un ballon dans lequel il n’y a personne, fluant, sans rencontrer d’obstacle, comme une inondation de bêtise satisfaite rappelant, par exemple, le grand succès de feu Ponsard, dont la Lucrèce fut d’abord un succès de lecture dans je ne sais plus quel salon et qui devint célèbre du soir au matin, tant cet adorable médiocre de Ponsard était délicieusement en accord parfait avec la médiocrité universelle, qui décide de tout dans un pays où la majorité fait loi. […] C’était aussi bête que de lui reprocher d’avoir des cheveux noirs… Si Shakespeare, que ces imbéciles admirent par lâcheté de tradition, donnait aujourd’hui son Hamlet, le plus beau de ses drames, ils diraient de la scène du cimetière où Hamlet, de ses mains de prince, joue au bilboquet avec des têtes de mort fraîchement déterrées, ce qu’ils disent des peintures horribles et sépulcrales de l’auteur des Névroses ; car Hamlet et M.  […] La Vache au taureau a révolté des pudeurs que je trouve, celles-là, par trop rougissantes, car c’est, pour moi, un groupe qui vaut le marbre dans sa plasticité et digne de la main de Michel-Ange ou de Puget, ces forts sincères qui n’avaient pas peur de la force !

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