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1605. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Mais cette aimable vierge ne veut pas être maniée, ni traînée dans les rues, ni affichée dans les carrefours, ni publiée aux quatre coins des palais… Il ne faut la vendre en aucune façon… Elle ne doit jamais tomber aux mains des baladins ou du vulgaire ignorant ; et quiconque ne sait rien, fût-il seigneur et prince, doit être mis au rang du vulgaire… La conclusion de mon discours, seigneur hidalgo, c’est que vous laissiez cheminer votre fils par où l’entraîne son étoile… Grondez-le, s’il fait des satires qui nuisent à la réputation d’autrui, punissez-le et mettez son ouvrage en pièces ; mais s’il fait des discours à la manière d’Horace, où il gourmande les vices en général, avec autant d’élégance que l’a fait son devancier, louez-le alors… Si le poëte est chaste dans ses mœurs, il le sera aussi dans ses vers. […] Ma santé n’est pas assez bonne pour entreprendre un si long voyage, sans compter qu’outre que je suis malade je suis fort dépourvu d’argent, et, empereur pour empereur, et monarque pour monarque, j’ai à Naples le grand comte de Lemos qui, sans me parler de tous ces jolis petits titres de collèges et de rectorats, pourvoit à ma subsistance et me fait plus de grâces que je n’ose moi-même en demander. »10 Il annonçait, à son noble patron, en finissant, la prochaine publication d’un ouvrage auquel il était en train de mettre la dernière main, son roman de Persilès et Sigismonde, « qui doit être, disait-il, ou le plus mauvais ou le meilleur livre qui ait jamais été composé dans notre langue, j’entends de ceux de pur amusement. […] Prenons une comparaison bien sensible pour nous : en faisant justice des Précieuses ridicules, en faisant main basse sur leur faux jargon avec sa verve la plus vigoureuse, Molière ne laissait pas à ce qu’on appelait les bonnes précieuses la ressource de se distinguer des autres et de leur survivre.

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