Bernardin de Saint-Pierre Le sentiment qu’on a de la nature physique extérieure et de tout le spectacle de la création appartient sans doute à une certaine organisation particulière et à une sensibilité individuelle ; mais il dépend aussi beaucoup de la manière générale d’envisager la nature et la création elle-même, de l’envisager comme création ou comme forme variable d’un fonds éternel ; d’apprécier sa condition par rapport au bien et au mal ; si elle est pleine de pièges pour l’homme, ou si elle n’est animée que d’attraits bienfaisants ; si elle est, sous la main d’une Providence vigilante, un voile transparent que l’esprit soulève, ou si elle est un abîme infini d’où nous sortons et où nous rentrerons. […] La lecture du Plutarque d’Amyot l’avait de longue main apprivoisé à la naïveté franche. […] Elle les retire même avec violence, pour nous apprendre que c’est la violence qui l’a fait naître. » Et ailleurs : « L’univers est sur son lit de douleurs, et c’est à « nous, hommes, à le consoler. » Saint-Martin croyait que l’homme, s’il pouvait consoler l’univers, pouvait aussi l’affliger, l’aigrir, et, pour nous servir de sa belle locution, que la main de l’homme, s’il n’est pas infiniment prudent, gâte tout ce qu’il touche. […] Trop pauvre, il avait cru ne pas devoir accepter leur main. […] Viollet-le-Duc m’a raconté que, dînant un jour chez Édon avec Bernardin de Saint-Pierre, la conversation s’engagea sur les philosophes révolutionnaires pratiques, les athées en bonnet rouge, les Dorat-Cubières, Sylvain Maréchal, etc., et que le beau vieillard s’indignait au point de s’écrier, tout en rougissant, que s’il les tenait entre ses mains, il les étranglerait, tant son exécration contre eux était violente !