On brodait, on amplifiait, on y introduisait des légendes et des traditions de toutes mains ; on y intercalait des scènes vulgaires, d’une vérité et d’une copie contemporaine, attachante. […] Il peut y avoir dans un ouvrage de l’habileté, des parties passables et même assez bonnes, qui font dire : Ce n’est pas trop mal, des situations touchantes, des dialogues assez vifs et assez naturels, d’heureuses reparties et d’heureuses rencontres, des hasards ou des commencements de talent plus, ou moins de main d’œuvre et de métier (la plupart de nos mélodrames actuels ont de tout cela), sans qu’il y ait véritablement beauté. […] Le propriétaire accourt, furieux qu’on lui ébranche son arbre ; on comptait bien d’abord payer les pommes, et c’était l’intention de Pilate ; mais, la querelle s’engageant, Judas qui a le sang chaud et la main prompte daube sur le maître du jardin et l’assomme d’un coup à la tête. […] L’intérêt du sujet d’Œdipe en général, c’est précisément le crime innocent, involontaire, et (une fois la mythologie admise) de voir le pauvre mortel la proie et le jouet du sort, sous la main des Dieux ; et l’intérêt de l’Œdipe-Roi, en particulier, c’est la découverte par degrés, la gradation admirablement ménagée dans la révélation du crime, c’est le voile qui se lève lentement, péniblement, peu à peu, dans l’âme d’Œdipe, dans l’âme de Jocaste, jusqu’à ce qu’il soit entièrement déchiré et que l’affreuse vérité éclate aux yeux des coupables involontaires et aux yeux de tous.