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683. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Elle n’est point parce qu’il la mérite. […] Ainsi, malgré l’opinion allemande de l’Allemagne, le Goetz de Berlichingen n’est pas la première en mérite des œuvres de Gœthe. […] C’est même une chose digne de remarque qu’un homme qui a voulu traverser, comme je l’ai dit, toutes les catégories de l’esprit humain, ait si peu d’abondance que Gœthe, et n’ait laissé, après quatre-vingts ans de vie, qu’une dizaine de volumes… Je sais bien que l’abondance n’est une grande chose que par le mérite des œuvres qu’elle donne ; mais enfin, dans les choses de peu de mérite, Gœthe n’a pas cette faculté de l’abondance qu’a eue, chez nous, par exemple, cette sous-ventrière lâchée d’Alexandre Dumas. […] — Gœthe, qui était apte à tout, ce qui équivaut à dire qu’il n’avait la vocation de rien, n’était pas plus pourvu de la scientifique que de la littéraire… Médiocre en science comme en littérature, mais attentif, et, par le fait de l’attention, arrivant jusqu’à un certain degré de sagacité relative, il eut le mérite, en histoire naturelle, d’entrevoir l’unité de composition, mais le bonheur (plus grand que le mérite) d’avoir, pour le dire et l’apprendre au inonde, la grande voix de Geoffroy Saint-Hilaire, qui, lui, la démontra, et qui reconnut, avec la magnanime bonne foi du génie, que Gœthe en avait eu la lueur… La métamorphose des plantes fut, en botanique, un titre pour Gœthe, dans l’ordre de la science, ainsi qu’en anatomie la découverte de l’os intermaxillaire. […] Exemple unique dans l’histoire littéraire, où tant d’usurpations se sont produites et tant de faux mérites étalés, mais aucune dans des proportions d’un colossal si prodigieux.

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