Montaigne a bourré plutôt qu’enrichi son livre de tant d’additions, et les extraits de ses lectures que lui fournit sa mémoire « de papier » encombrent parfois sa causerie. […] Il était causeur et gausseur entre amis, l’humeur gaie, de langage assez effronté, point avare, assez détaché de tout par complexion et par étude, songe-creux, vagabond et voyageur jusqu’en sa vieillesse, point cérémonieux, très franc, sans mémoire, peu entendu aux choses du ménage, très ignorant des choses rustiques et jusque des mots de la culture, sachant se laisser voler autant qu’il faut par ses gens, se mettant parfois en colère, jamais longtemps, fuyant par-dessus tout les tracas et les engagements. […] Il est curieux qu’au milieu de cette abondance de souvenirs, sa mémoire ne lui représente jamais qu’il a été conseiller au Parlement, robin : il se pose en homme d’épée, en soldat.