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249. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Hyeronimo regarda sa mère, et le père pleurait sans nous voir. […] J’avais oublié nos malheurs, et quand je jouais dans la rue de la zampogne, l’enfant paraissait goûter la musique, et les jeunes mères s’arrêtaient pour le contempler et pour m’entendre. CCLXXII Enfin, monsieur, nos deux figures amenaient trop de foule dans la rue, et la supérieure me fit venir pour me dire que l’enfant et moi nous étions trop beaux à présent pour rester plus longtemps à Livourne, que cela pourrait donner lieu à de nouveaux bruits, bien qu’il n’y eût rien à me reprocher que l’enfant, dont tout le monde ne connaissait pas l’origine ; que Hyeronimo n’avait plus que six semaines pour achever sa peine, après quoi il pourrait revenir en liberté rejoindre, dans notre montagne, sa femme, son fils, sa mère et son oncle, et qu’il convenait que je disparusse immédiatement de Livourne, où ma jeunesse et ma figure faisaient trop de bruit et de scandale. […] …………………………………………………………………………………………………………… J’aurais voulu assister à cette scène de retour et de l’amour dans cette solitude ; puis, je réfléchis que le bonheur suprême a ses mystères comme les extrêmes douleurs que rien ne doit profaner à de tels moments et à de tels retours que l’œil de Dieu ; que je gênerais involontairement, malgré moi, l’échange de sentiments et de pensées qui allaient précipiter ce beau jeune homme des bras de sa sposa aux bras de son oncle et de sa mère dans des paroles et dans des silences que ma présence intimiderait et qui ne retrouveraient plus jamais l’occasion de se rencontrer dans la vie. […] puis, reconnaissant dans ses yeux la couleur des siens, et sur ses lèvres le rire gai et tendre d’Hyeronimo, elle le rapprochait de son visage et le baisait avec cette sorte d’ivresse que l’enfant à la mamelle donne à sa mère.

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