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413. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

XIV Nous passions la matinée sous les longues et hautes treilles chargées de raisins mûrs, comme d’autant de lustres d’ambre qui laissaient les rayons de l’aurore transluire, à travers leurs grains jaunis, sur nos têtes. […] Il y avait eu peu d’excès, il n’y eut pas de longue vengeance. […] Ta langue, modulant des sons mélodieux, À perdu l’âpreté de tes rudes aïeux ; Douce comme un flatteur, fausse comme un esclave, Tes fers en ont usé l’accent nerveux et grave ; Et, semblable au serpent, dont les nœuds assouplis Du sol fangeux qu’il couvre imitent tous les plis, Façonnée à ramper par un long esclavage, Elle se prostitue au plus servile usage, Et, s’exhalant sans force en stériles accents, Ne fait qu’amollir l’âme et caresser les sens. […] « Souvent, le bras posé sur l’urne d’un grand homme, Soit aux bords dépeuplés des longs chemins de Rome, Soit sous la voûte auguste où, de ses noirs arceaux, L’ombre de Westminster consacre ses tombeaux, En contemplant ces arcs, ces bronzes, ces statues, Du long respect des temps par l’âge revêtues, En voyant l’étranger d’un pied silencieux, Ne toucher qu’en tremblant le pavé de ces lieux, Et des inscriptions sur la poudre tracées Chercher pieusement les lettres effacées J’ai senti qu’à l’abri d’un pareil monument Leur grande ombre devait dormir plus mollement ; Que le bruit de ces pas, ce culte, ces images, Ces regrets renaissants et ces larmes des âges, Flattaient sans doute encore, au fond de leur cercueil, De ces morts immortels l’impérissable orgueil ; Qu’un cercueil, dernier terme où tend la gloire humaine, De tant de vanités est encor la moins vaine ; Et que pour un mortel peut-être il était beau De conquérir du moins, ici-bas, un tombeau ? […] Je vins passer un long congé à Paris.

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