A mes yeux, il n’est point d’honneur plus grand pour une intelligence humaine que de saisir et d’embrasser l’ensemble de vérités qui constituent les lois des nombres et des mondes. […] A ceux dont la pensée, subtile et ferme tout ensemble, saisit une fois et ne lâche plus ces séries et ces enchaînements de vérités immuables, un juste respect est dû. — Que s’ils joignaient à la possession de ces hautes vérités mathématiques le sentiment et la science de la nature vivante, la conception et l’étude de cet ordre animé, universel, de cette fermentation et de cette végétation créatrice et continue où fourmille et s’élabore la vie, et qui, tout près de nous et quand la loi des cieux au loin est connue, recèle encore tant de mystères, ils seraient des savants plus complets peut-être qu’il ne s’en est vu jusqu’ici, quelque chose, j’imagine, comme un Newton joint à un Jussieu, à un Cuvier, à un Gœthe tout à fait naturaliste et non plus seulement amateur, à un Geoffroy Saint-Hilaire plus débrouillé que le nôtre et plus éclairci. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ? […] Biot s’y refusa, motivant son abstention sur ce qu’un Corps purement savant devait, selon lui, rester étranger à tout acte politique ;, et il cita à ce propos les vers de Voltaire : Moi, j’attends dans un coin que l’imprimeur du Roi, M’apprenne pour dix sous mon devoir et ma loi. […] Quand je dis qu’il s’y opposait à demi-voix, je n’ai dans l’idée que ses paroles à l’intérieur de l’Académie ; car, par sa plume et dans le Journal des Savants, il ne cessa de faire ouvertement la guerre à cette publicité croissante qui a quelques inconvénients sans doute, mais qui est dans la loi du siècle, et qu’on peut vouloir régler, sans plus espérer de l’empêcher.