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825. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Du bas-bleuisme contemporain I Ce n’est ni une inconséquence ni même une diversion, comme on pourrait le croire, que d’introduire dans un livre de critique intitulé : Les Œuvres et les Hommes au xixe  siècle , la série des femmes qui écrivent, car les femmes qui écrivent ne sont plus des femmes. […] Ce fut à dater des romans de Sand qu’on vit pulluler toutes sortes de livres en prose et en vers, écrits par des plumes féminines sur l’inégalité des conditions entre l’homme et la femme, et que le bas-bleu apparut, — le véritable bas-bleu, bien autrement foncé qu’en Angleterre, où le mariage, — une sauvegarde contre le bas-bleuisme, — est resté en honneur et où le mari s’appelle Lord encore… Comme il est beaucoup plus aisé de changer d’habit que de sexe, jamais, autant qu’en ce temps-là, on ne vit plus de femmes en habit d’homme, comme l’avait fait Mme George Sand, dont la redingote de velours noir, illustrée par Calamata, fut célèbre et qui s’appela longtemps George Sand tout court (le voyou, comme elle le disait elle-même dans ses Lettres d’un Voyageur) ; George Sand qui devait redevenir Mme Sand et presque Mme Dudevant dans sa vieillesse, — quand le terrible coup de locomotive de la vieillesse passe sur toutes les prétentions et les rafle, et qu’on acquiert la preuve alors qu’on n’était, de toute éternité, qu’une femme et que l’homme qu’on croyait faire n’a jamais dépassé le gamin ! […] Les idées répandues dans ses livres ou qui en découlent, ne continuent pas moins de s’infiltrer dans tous les esprits ; et comme l’huile, dont le temps grandit toujours la tâche, à envahir de plus en plus nos mœurs. […] Jusque-là, il s’était contenté de se cantonner dans quelque coin de livre ou de théâtre, mais le livre, c’était encore trop pudibond et trop mystérieux. […] … Et elles publient des livres pour le prouver ; des livres curieux de physiologie, d’histoire et de théologie, dans lesquels, toujours protestantes, elles interprètent la Bible dans le sens de leurs idées, culbutent la Genèse, démontrent que la chute d’Adam est la gloire d’Ève, à qui le serpent parla de préférence à l’homme, parce qu’elle était la plus spirituelle des deux.

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