Depuis quelque temps on n’a guère entendu sur les livres qui se publient que la vile réclame ou les quatre mots de l’amitié… Excepté le Shakespeare de M. […] Pour trouver un livre digne d’occuper la Critique et les conversations, il faut remonter jusqu’à cette Histoire de la littérature anglaise par Taine, dont la beauté d’exécution n’a cependant pu me faire oublier le vice du système sur lequel elle est appuyée… Eh bien ! […] Taine, qui n’a pas écouté ses facultés et qui, se croyant ou ne se croyant pas philosophe, a débuté par cette jolie risette, son livre des Philosophes français, lequel impliquait le plus impertinent scepticisme sur le fond des choses et le doute le mieux justifié, d’ailleurs, sur le mérite et la consistance de ses maîtres qui n’avaient pas su lui bâtir dans l’âme une conviction sur quoi que ce soit ; M. […] Dans son livre des Philosophes français, il était apparu spirituel comme ce Scaramouche d’abbé Galiani, qui se disait philosophe et qui se moquait des philosophes, et comme Scaramouche, mi-parti de jaune et de noir, il s’était mi-parti de Hégel et de Condillac ; mais là-dessous il y avait une ironie à la Candide, l’ironie d’un Candide qui n’était plus l’élève d’un Pangloss optimiste, mais de l’École normale, un tas de Pangloss mécontents ! […] Comme Jean-Paul, dont il n’a pas d’ailleurs les suavités au milieu des extravagances, Carlyle est l’auteur de livres très singuliers comme le Sartor Resartus, Les Héros, un livre sur Cromwell, un autre sur la Révolution française, etc., etc., pleins de ténèbres et de clartés vives, d’un langage à lui comme le langage des solitaires… Intuitif et visionnaire tout à la fois, Carlyle est également mystique et grossier, ivre de ses idées comme on l’est de gin, mais voyant dans l’ivresse comme tous les ivrognes, qui ont dans l’ivresse détonnantes et d’inexplicables perceptions.