La forme métrique n’a pu paraître seule capable de rendre ces sentiments d’essor et d’extase que probablement parce qu’elle fut à l’origine toute la littérature et que le charme musical qu’elle possède l’a fait réserver peu à peu aux sujets les plus nobles. […] Il en résulte une singulière sorte de pessimisme, celui de la littérature indoue et de la littérature russe contemporaine, le pessimisme de Léopardi dont chez nous les Pensées de Pascal et, tout récemment, le Journal, d’Henri Fred. […] Il n’y a pas, en grande littérature d’imitation volontaire, mais seulement des ressemblances naturelles d’esprit qui peuvent conduire certains écrivains à écrire tout naturellement comme d’autres oui écrit avant eux. […] Cependant nos affinités avec la littérature germanique ne manquent pas ; le ton seul dont quelques-uns de nos poètes, notamment Gauthier et Banville, parlent de Heine, le nombre des épigraphes que celui-ci a fournies à nos livres, suffisent à montrer quel a été chez nous l’initiateur de cette imitation. […] Ce fait est remarquable et général ; la sensibilité démonstrative caractérise toutes les œuvres étrangères qui ont influé successivement sur la littérature française depuis cent ans et qui l’ont modifiée au point de la dénaturer.