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715. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Ses autres goûts et ses distractions de journaliste politique, puis de conseiller ministériel, de ministre, d’homme parlementaire, de libre écrivain littéraire et dramatique, l’avaient retenu à l’état de spectateur et de juge : ce n’est que dans ses dernières années qu’il a franchi le pas et qu’il a pris ses lettres de maîtrise46. […] Vitet, n’écriviez-vous pas cela hier dans un recueil littéraire que vous enrichissiez au moment même48 ? […] Quoi qu’il en soit, voici un rôle que j’aime à concevoir pour l’un de ces hommes à la fois politiques et littéraires qu’a frappés la dernière tourmente, et qui ne se sentent coupables que d’avoir voulu sauver la France à leur manière, d’une manière qui s’est trouvée insuffisante et fragile en face d’une autre méthode plus héroïque et plus souveraine. Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.

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