Voltaire est le premier qui ait ameuté contre lui tout le Corps des Pygmées Littéraires qui combattoient sous ses ordres. […] Ils ont beau s’écrier d’un fausset philosophique, qu’il n’a fait que copier Horace & Juvenal, qu’il n’est tout au plus qu’un bon versificateur, qu’il ne connut jamais le sentiment, que ses idées sont froides & communes, qu’il n’est pas enluminé comme eux, qu’il n’a qu’un ton, qu’une maniere ; ils ont beau s’applaudir réciproquement de leurs prouesses littéraires, lever jusqu’aux nues l’entortillage & l’enflure de leurs pensées, ne trouver rien d’égal à la profondeur de leurs courtes vues, s’extasier sur le vernis de leurs mystérieuses expressions ; la voix noble & ferme de Stentor n’a qu’à se faire entendre, & aussitôt cette engeance mutine disparoîtra, avec son Général, pour se cacher sous ses humbles pavillons. […] Finissons cet article, en déclarant encore à tous les Aristarques du nouveau Monde Littéraire, que, malgré leurs efforts, leurs Dissertations, leurs Sentences, leurs Satires, Despréaux n’en sera pas moins celui de tous nos Poëtes dont on a retenu & dont on citera toujours le plus de vers ; celui qui, le premier, a déployé les richesses de notre Langue, & qui l’a portée, par ses Ouvrages, au degré d’estime où elle est parvenue depuis ; celui qui a fait le plus régner le bon goût, & a le plus fortement attaqué le mauvais ; celui qui a su le mieux réunir l’exactitude de la méthode & la vivacité de l’imagination ; le sel de la bonne plaisanterie, & le respect dû à la Religion & aux mœurs ; l’art de lancer le ridicule, & celui de louer avec délicatesse ; le talent d’imiter, en paroissant original ; la distinction unique d’être tout à la fois Législateur & Modele ; &, pour tout dire enfin, il ajoutera à tous ces genres de gloire, ce qui donne le plus de droit aux hommages de la vertu, les qualités du cœur.