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471. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

On se rappelle le bruit que fit naguères cette première gloire littéraire de l’Amérique, qui éclata tout à coup comme un aloès qui fleurit et dont la fleur est déjà tombée… Des philanthropes, Narcisses humanitaires qui trouvaient l’humanité jolie en se regardant, prirent sur le poing et présentèrent à l’Europe attendrie cette Mistress Edgeworth américaine, et placèrent son livre sous la protection d’une telle émeute de sensibilité insurgée, que si la critique littéraire avait osé planter son scalpel dans cette œuvre esthétiquement médiocre, les Wilberforce du journalisme auraient crié au scandale, comme si on eût voulu toucher littérairement à l’Imitation de Jésus-Christ. […] Nous savons trop que le poinçon de la critique littéraire n’a rien à voir dans ces œuvres qui sont des actes et des vertus. Pour ces poèmes héroïques racontés par un vieux croisé comme Joinville, qui revient de la rescousse, ou quelque vieux capucin qui revient du martyre, pour ces dits et gestes rapportés avec des simplesses de cœur inconnues à tous les Naïfs littéraires les plus vrais, à tous les La Fontaine les plus profonds, la critique ne saurait vraiment exister, et elle se désarme dans l’émotion et dans le respect.

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