Mais, un jour, un été, à une certaine saison d’ennui, après les années brillantes, cette personne, à la campagne, prend une plume, et trace, sans but arrêté d’abord, un roman ou des souvenirs pour elle, pour elle seule, ou même seulement ce sont des lettres un peu longues qu’elle écrit à des amis sans y trop songer ; et dans cinquante ans, quand tous seront morts, quand on ne lira plus l’homme de lettres de profession à la mode en son temps, et que ses trente volumes de couleur passée iront lourdement s’ensevelir dans les catalogues funèbres, l’humble et spirituelle femme sera lue, sera goûtée encore presque autant que par nous contemporains ; on la connaîtra, on l’aimera pour sa nette et vive parole, et elle sera devenue l’un des ornements gracieux et durables de cette littérature à laquelle elle ne semblait point penser, non plus que vous près d’elle. […] Mais je ne parlerai un peu que de ses romans ; elle en a composé plusieurs : j’en ai lu deux. […] Dans un petit cahier de Pensées, je lis de précieuses confidences qu’elle se traçait à. elle-même sur la suite de ses sentiments religieux en tout temps, sur ses distractions aux années légères, sur son retour à une certaine heure. […] Ce n’est qu’après la publication de l’écrit de Mme de Staël sur la Révolution française qu’elle eut l’idée et le courage de rassembler encore une fois ses souvenirs ; à défaut du premier et incomparable récit, ceux qui liront l’autre un jour auront de quoi se consoler. […] Les éloges dont je l’avais accompagné, et qu’on vient de lire, ce grand nom même d’Homère que j’y avais mêlé à dessein et par précaution, n’avaient pu conjurer un accès de mauvaise humeur et de vive contrariété dans l’homme de parti et de coterie dont se compliquait en lui l’homme supérieur.