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319. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Le caractère grave de Mme de Maintenon se trouve empreint à chaque ligne dans le petit livre adressé aux Dames et intitulé : L’Esprit de l’institut des Filles de Saint-Louis. […] Mme de Maintenon cherche à prémunir ses filles contre les périls qu’elles ont déjà rencontrés : « N’ayez ni fantaisie ni curiosité pour chercher des lectures extraordinaires et des ragoûts d’oraison. » — « Il y a une grande différence entre connaître Dieu par la science, par la pointe de l’esprit, par la subtilité de la raison, par la multiplicité des lectures, ou le connaître par les simples instructions du christianisme. » Dans le blanc des lignes, il me semble lire en caractères plus distincts : « Surtout pas trop de Racine, et plus jamais de Fénelon ! » Une haute idée, c’est que les Dames de Saint-Louis étant destinées à élever des demoiselles qui deviendront mères de famille et auront part à la bonne éducation des enfants, elles ont entre leurs mains une portion de l’avenir de la religion et de la France : « Il y a donc dans l’œuvre de Saint-Louis, si elle est bien faite et avec l’esprit d’une vraie foi et d’un véritable amour de Dieu, de quoi renouveler dans tout le royaume la perfection du christianisme. » La fondatrice leur rappelle expressément qu’étant à la porte de Versailles comme elles sont, il n’y a pas de milieu pour elles à être un établissement très régulier ou très scandaleux : « Rendez vos parloirs inaccessibles à toutes visites superflues… Ne craignez point d’être un peu sauvages, mais ne soyez pas fières. » Elle leur conseille une humilité plus absolue qu’elle ne l’obtiendra : « Rejetez le nom de Dames, prenez plaisir à vous appeler les Filles de Saint-Louis. » Elle insiste particulièrement sur cette vertu d’humilité qui sera toujours le côté faible de l’institut : « Vous ne vous conserverez que par l’humilité ; il faut expier tout ce qu’il y a eu de grandeur humaine dans votre fondation. » Quoi qu’il en soit des légères imperfections dont l’institut ne sut point se garantir, il persista jusqu’à la fin dans les lignes essentielles, et on reconnaîtra que c’était quelque chose de respectable en l’auteur de Saint-Cyr que de bâtir avec constance sur ces fondements, en vue du xviiie  siècle déjà pressé de naître, et dans un temps où Bayle écrivait de Rotterdam à propos de je ne sais quel livre : On fait, tant dans ce livre que dans plusieurs autres qui nous viennent de France, une étrange peinture des femmes de Paris.

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