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42. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Toute la dispute entre Racine et Shakspeare se réduit à savoir si, en observant les deux unités de lieu et de temps on peut faire des pièces qui intéressent vivement des spectateurs du dix-neuvième siècle, des pièces qui les fassent pleurer et frémir, ou, en d’autres termes, qui leur donnent des plaisirs dramatiques, au lieu des plaisirs épiques qui nous font courir à la cinquantième représentation du Paria ou de Régulus. Je dis que l’observation des deux unités de lieu et de temps est une habitude française, habitude profondément enracinée habitude dont nous nous déferons difficilement, parce que Paris est le salon de l’Europe, et lui donne le ton ; mais je dis que ces unités ne sont nullement nécessaires à produire l’émotion profonde et le véritable effet dramatique. Pourquoi exigez-vous, dirai-je aux partisans du classicisme, que l’action représentée dans une tragédie ne dure pas plus de vingt-quatre ou de trente-six heures, et que le lieu de la scène ne change pas, ou que du moins, comme le dit Voltaire, les changements de lieu ne s’étendent qu’aux divers appartements d’un palais ?

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