Comme il avait observé que l’esprit quelquefois se dissipe, et pour ainsi dire s’extravase dans un lieu trop vaste, et que « pour étudier, pour lire, méditer, écrire, les petits endroits ont beaucoup d’avantages sur les plus grands », il avait imaginé et s’était fait faire une sorte de cabinet-sopha ou de cage allant sur roulettes, assez pareille à une maison de berger, où il n’y avait place que pour une personne, où l’on ne pouvait se tenir debout, où l’on était assis très à l’aise, à l’abri de tous vents coulis, et où il suffisait d’une bougie pour échauffer le dedans. […] Ce composé de volonté, d’élévation, de conception, d’imagination, d’invention, de génie, le dédain de tant de choses, le mépris, les passions, etc., tout cela compose une âme trop forte pour le lieu et le temps. […] Il lui oppose Saint-Évremond, La Rochefoucauld, « qui avaient pour eux une force de génie qui leur faisait dire de grandes choses à travers leurs antithèses, au lieu, dit-il, que les femmes chiffonnent, et leur légèreté dégénère toujours en frivolité, malgré le jugement, l’esprit et le bon goût qu’elles peuvent avoir ». […] Il est vrai que c’est une folie, de là vient que les philosophes ne sont pas propres à la guerre, au lieu que les gens à passions y sont propres ; les jeunes gens, les sanguins, s’y dévouent légèrement et franchement, mais tout philosophe qui réfléchit mûrement trouve que le plus grand bien est de vivre, et le plus grand mal du monde est l’anéantissement ; car les gens à passions trouvent, disent-ils, la vie plus mêlée, de maux que de biens, au lieu que les philosophes trouvent le contraire et ont raison, la vie leur est délicieuse.