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153. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Telle doit être la passion de l’amour au théâtre : la même au fond pour tous les personnages, elle sera diverse dans l’expression, selon les caractères, l’âge, la condition, le temps et le lieu. […] Roxane aime, sans remords ; et, au lieu que dans le palais de Thésée, en cette Grèce où les crimes des mortels sont commandés par les dieux ; l’amour est comme une fureur sacrée ; au sérail, dans l’ombre et le mystère où vit Roxane, cachée et surveillée, l’amour ressemble à une intrigue sanglante. […] Roxane se venge comme on fait au sérail, dans un lieu où la vie humaine a si peu de prix ; elle commande le meurtre avec une cruauté froide et tranquille. […] Il remarquera qu’ils se cherchent, se poursuivent, jusqu’à ce qu’ils en viennent aux mains ; qu’il n’y a point de muraille qui les empêche de se joindre ; que des passions tragiques, une fois aux prises, veulent en finir : voilà l’unité de temps et l’unité de lieu. […] Ce n’est pas l’artifice du poète qui enferme tous ces personnages dans la même action, dans le même lieu, dans la même heure ; c’est la nature des choses : c’est la terrible fatalité des livres saints qui livre le méchant au Dieu de la guerre et des vengeances.

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