Leurs plus grands penseurs, Platon, Aristote, réduisent la cité à une société de cinq ou dix mille hommes libres. […] Elle est un gibier qu’ils prennent souvent dans leur chasse ; mais, à les voir raisonner, on sent bien vite que, sans se l’avouer, ils préfèrent au gibier la chasse, la chasse avec ses adresses, ses ruses, ses circuits, son élan, et ce sentiment d’action libre, voyageuse et victorieuse qu’elle met dans les nerfs et l’imagination du chasseur. « Ô Grecs ! […] Les citoyens libres étaient les nobles de l’antiquité ; partant, point de citoyen libre qui n’eût fréquenté le gymnase ; à cette condition seulement on était un homme bien élevé54, sinon on tombait au rang des gens de métier et d’extraction basse, Platon, Chrysippe, le poëte Timocréon avaient d’abord été athlètes ; Pythagore passait pour avoir eu le prix du pugilat ; Euripide fut couronné comme athlète aux jeux éleusiniens. […] Sa peau, brunie et affermie par le soleil, l’huile, la poussière, le strigile et les bains froids, ne semblait point déshabillée ; elle était accoutumée à l’air ; à la voir, on la sentait dans son élément ; certainement elle ne frissonnait pas, elle ne présentait pas de marbrures et de chair de poule ; elle était un tissu sain, d’un beau ton, qui annonçait la vie libre et maie. […] Sans doute on voit dans ces détails, en même temps que la persistance de la foi antique, l’avènement de la pensée libre ; autour de Périclès comme autour de Laurent de Médicis il y avait un petit cénacle de raisonneurs et de philosophes ; Phidias, comme plus tard Michel-Ange, y fut admis.