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272. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

XII « Il y a un autre parti à prendre par le cabinet de la république : c’est de déclarer la paix à toutes les puissances qui ne se déclareront pas en guerre avec elle ; c’est de respecter les limites, l’existence, la forme, quelle qu’elle soit, de tous les gouvernements adoptés par tous les peuples ; c’est de déclarer la république française compatible avec toutes ces formes de gouvernement, dont elle n’a pas le droit de discuter la convenance avec d’autres idées, d’autres mœurs, d’autres intérêts, d’autres nationalités ; c’est de la déclarer héritière de tous les traités de limites établis, même contre elle, à d’autres époques, et de promettre au monde qu’elle ne revendiquera des rectifications éventuelles à cette géographie des puissances que de concert commun avec tous les autres peuples, lorsque des événements imprévus viendraient à motiver, en congrès général, le remaniement européen, en ajoutant que, ce qu’elle accepte pour la France, elle l’exige naturellement pour les autres, et qu’elle prendra fait et cause, si cela lui convient, pour toute nation qu’une puissance étrangère voudrait contraindre ou opprimer dans son libre développement d’institutions. » Ce fut cette diplomatie, unanimement adoptée par le gouvernement de 1848, qui jeta sur les matières incendiaires de l’Europe la poignée de cendre qui rassura et pacifia la France et l’Europe. […] Un tel principe de diplomatie, que des fanatiques hors de sens cherchent à exhumer des croisades de Mahomet, ne laisserait ni une conscience libre ni une race indépendante sur le globe. […] Demandez-le seulement à ceux qui le proclament ; demandez à la maison de Savoie si elle reconnaîtrait le droit des Piémontais conquis, des Sardes asservis, des Lombards donnés, des Génois usurpés d’hier, de s’insurger contre la maison de Savoie au nom de ce principe des nationalités, en vertu duquel la maison de Savoie insurge en ce moment des Siciliens, des Campaniens, des Samnites, des Napolitains contre leur roi, des Romagnols contre leur pape, plus Italien cent fois qu’un Piémontais, des Étrusques et des Toscans contre leur propre souveraineté grand-ducale ou républicaine, des Vénètes contre leur république, tantôt conquérante, tantôt conquise, mais toujours vénitienne de nation quand elle est libre de disposer d’elle-même. […] On prévoyait que l’Allemagne, monarchique, ecclésiastique, absolue dans ses éléments, serait promptement en antipathie et bientôt en hostilité avec une nation libre, démocratique, peut-être républicaine ; on devait donc chercher ses alliés dans la libre et représentative Angleterre.

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