Ce n’est pas que Montaigne, auquel le latin avait été donné pour maternel141, se refusât aucune des libertés du génie spéculatif, si naturel aux Grecs ; mais s’il spécule, c’est sur le réel. […] Montaigne examine l’homme à la fois plus théoriquement que Rabelais, et plus librement ou du moins avec plus de respect pour la liberté humaine que Calvin. […] Montaigne seul la cherche avec désintéressement et la présente telle qu’elle est, sans la rendre ni méprisable en s’en jouant, comme Rabelais, ni haïssable, comme Calvin, en lui immolant la liberté. […] Le scepticisme de Montaigne proclame la liberté de la conscience, et conserve saine et sauve la moralité des actions. […] La langue de Montaigne a les grâces et la liberté de celle de Rabelais, sans cette fureur qui roule les mots au hasard et en fait si souvent un jargon.