Il y avait alors à la Haye une femme de lettres et d’intrigues, madame Dunoyer, vivant de libelles et d’aventures ; cette femme avait plusieurs filles d’une extrême jeunesse et d’une naissante beauté. […] Aucun des hommes de lettres de son temps, même parmi ses ennemis, n’avait recours en vain à ses libéralités cachées ; il était à la fois le Virgile, l’Horace et le Mécène de la France. […] Il publia aussi alors ses Lettres sur les Anglais, dans lesquelles il faisait connaître et goûter à la France les institutions libres, l’éloquence virile, la science pratique, et la littérature neuve de la Grande-Bretagne. […] Ses lettres, récemment découvertes et publiées, dévoilent une âme aussi féminine et aussi tendre que si l’amour avait été sa seule passion ; on ne peut douter en lisant ces lettres, souvent pathétiques et tracées de larmes, que madame du Châtelet ne fût bien supérieure à son ami en amour et en dévouement. […] Il sentait vivement ce bonheur, et il en rendait grâce à sa destinée dans toutes ses conversations et dans toutes ses lettres.