De toutes les langues modernes cultivées par les gens de lettres, l’italienne est la plus variée, la plus flexible, la plus susceptible des formes qu’on veut lui donner ; aussi n’est-elle pas moins riche en bonnes traductions qu’en excellente musique vocale, qui n’est elle-même qu’une espèce de traduction. […] Les Anglais ont assez bien traduit quelques tragédies de Racine ; je doute qu’ils traduisissent avec le même succès les fables de La Fontaine, l’ouvrage peut-être le plus original que la langue française ait produit ; l’Aminte, pastorale pleine de ces détails de galanterie, et de ces riens agréables que la langue italienne est si propre à rendre, et qu’il faut lui laisser ; enfin les Lettres de madame de Sévigné, si frivoles pour le fond, et si séduisantes par la négligence même du style. […] Je me trouverais fort heureux, si celle-ci pouvait obtenir le suffrage du petit nombre de gens de lettres, qui, par une connaissance approfondie du génie des deux langues, de celui de Tacite et des vrais principes de l’art de traduire, sont capables d’apprécier mon travail ; à l’égard de ceux qui croiront seulement l’être, je n’ai rien à attendre ni à exiger d’eux.