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643. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

La conception mécanique du style se change ainsi, comme on pouvait s’y attendre chez un Anglais, en une conception utilitaire ; le comfort du lecteur ou de l’auditeur, pour ne pas dire sa paresse, devient le régulateur de l’écrivain : faire tout saisir en peu de temps, voilà le but, time is money. […] Une des meilleures applications esthétiques du principe de l’économie de la force, c’est la règle qu’on en peut déduire de ne pas dépenser la sensibilité du lecteur, de permettre au système nerveux et cérébral la réparation nécessaire après chaque dépense d’énergie et d’attention. […] Pour éveiller la sympathie chez le lecteur au gré de l’écrivain la phrase doit être vivante ; or, un être vivant n’est pas une suite d’éléments juxtaposés, c’est un ensemble fait de parties dissemblables et unies par une mutuelle dépendance ; la phrase est donc un organisme. […] On aboutit ainsi à une espèce de monstruosité produite par la « loi du balancement des organes » : le rythme disparaissant, et la césure même étant escamotée, le vers, pour ne pas se confondre avec la prose, est obligé de se faire une rime redondante : le renflement de la voix à la fin du vers rappelle seul au lecteur qu’il a affaire à des mètres, non à de simple prose. […] Et pourtant quel est le lecteur qui, en lisant ces vers, surtout les deux derniers, n’en sentira pas l’harmonie ?

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