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842. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Le chevalier sait bien l’antiquité latine et grecque ; il en parle très-volontiers, d’une manière qui nous paraît bien d’abord un peu étrange, car il l’accommode, bon gré mal gré, à ses façons modernes ; pourtant il y a de quoi profiter à l’entendre. […] Tous vos confrères se mêlent de l’un et de l’autre ; ce sont des vagabonds qui ne vont de çà, de là, que pour apporter du scandale et séduire quelque innocente, et quand on les pense tenir, ils ne manquent jamais de faire un trou à la nuit. — Je lui repartis que j’étois d’un esprit plus modéré, que j’avois passé deux ans et demi chez un gentilhomme de Normandie à élever ses enfants, et que je ne les avois point quittés qu’ils ne fussent bons latins et bons philosophes ; du reste, qu’il n’avoit pas besoin d’un autre que de moi pour apprendre à messieurs ses enfants à faire des armes ni à danser, que je savois tous les exercices, parce que j’avois été cinq ans à Rome auprès d’un jeune homme de qualité qui m’aimoit et me faisoit instruire par ses maîtres ; — et pour lui montrer mon adresse, je me mis en garde avec une canne que j’avois ; j’allongeois et parois, j’avançois et reculois en maître, et puis, ayant quitté ma canne, je fis quelques pas forts de ballet et plusieurs caprioles qui le réjouirent ; mais ce qui lui plut encore, je ne fus pas difficile pour mes appointements. […] Cela l’obligea de me laisser jusqu’à l’âge de vingt-deux ans au collège, et lorsque j’en fus sorti, je connus par expérience qu’excepté le latin que j’étois bien aise de savoir, tout ce qu’on m’avoit appris m’étoit non-seulement inutile, mais encore nuisible, à cause que je m’étois accoutumé à parler dans les disputes sans entendre ni ce qu’on me disoit, ni ce que je répondois, comme c’est l’ordinaire.

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