Mais la littérature latine fut trop directement importée, trop artificielle dès l’abord et apprise des Grecs, pour admettre beaucoup de ces libres génies. […] Riccoboni a donné une liste assez complète, et parfois même gonflée, des imitations que Molière a faites des Italiens, des Espagnols et des Latins ; Cailhava et d’autres y ont ajouté. […] Il le comprenait et l’admirait dans les parties les plus étrangères à lui-même ; il se plaisait à être son complice dans le latin macaronique de ses plus folles comédies ; il lui fournissait les malignes étymologies grecques de l’Amour médecin ; il mesurait dans son entier cette faculté multipliée, immense ; et le jour où Louis XIV lui demanda quel était le plus rare des grands écrivains qui auraient honoré la France durant son règne, le juge rigoureux n’hésita pas et répondit : « Sire, c’est Molière. » — « Je ne le croyais pas, répliqua Louis XIV ; mais vous vous y connaissez mieux que moi. » On a loué Molière de tant de façons, comme peintre des mœurs et de la vie humaine, que je veux indiquer surtout un côté qu’on a trop peu mis en lumière, ou plutôt qu’on a méconnu. […] Chapelle, resté pur gassendiste par souvenir de collège, comme quelque ancien barbiste de nos jours qui, buveur et paresseux, est resté fidèle aux vers latins, Chapelle disputait à tue-tête dans le bateau sur la philosophie des atomes, et Molière lui niait vivement cette philosophie, en ajoutant toutefois, dit l’histoire : Passe pour la morale ! […] Patin, dans un excellent cours aussi attique de pensée que de diction, remettent à sa place ce grand comique latin.