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353. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

On ne pensait point aller contre les préceptes de l’Art poétique : l’entêtement de Boileau pour les Grecs et les Latins, sa colère contre Perrault, ne semblaient être que des boutades, des saillies de son humeur originale, dont on souriait, et qu’on n’estimait pas tirer à conséquence. […] Français, trop de son siècle et de son monde pour sentir le charme et la grandeur intimes de l’antiquité : et s’il vante avec sa pétulance accoutumée trois ou quatre anciens, s’il célèbre la richesse et l’harmonie des langues grecque et latine, auprès desquelles nos langues modernes ne sont que des « violons de village », il ne prend et ne comprend là comme ailleurs que ce qui est conforme à ses préjugés littéraires ou autres. […] Rhétoriciens excellents — mais purs rhétoriciens, — ils font apparaître les anciens, et même Homère, Comme d’incomparables maîtres de rhétorique : en dix ans de commerce assidu avec les chefs-d’œuvre latins ou grecs, un jeune homme acquiert un trésor de pensées belles à citer dans leur forme parfaite, et l’art d’étendre lui-même des lieux communs ou de les condenser en sentences ; jamais il n’aura senti vivre dans un texte grec l’âme de la Grèce, ou de tel Grec ; il ne se doutera pas qu’on peut tirer d’une phrase d’orateur ou d’une période poétique des émotions aussi profondes et de même ordre que celles qu’excite un temple ou une statue.

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