Le premier, quoique ayant plus écrit en grec et en latin qu’en français a été une des lumières de la Renaissance dans notre pays, et le conseil de François Ier dans ses fondations littéraires le dernier eut la gloire de tenter avant tous ce que Descartes devait réaliser moins d’un siècle après, l’émancipation de la philosophie ; sa mort même témoigna de la grandeur de ce service rendu à l’esprit humain. […] D’Aubray a lu les modèles de l’éloquence latine ; il s’en est assimilé la méthode et le tour. […] Cette intelligence qui a si peur de servir, qui se défie de la vérité à cause de sa ressemblance avec l’autorité, qui redoute si fort de se laisser surprendre, qui s’estime si au-dessus de son objet, voilà qu’un paradoxe sorti de quelque cerveau grec ou latin, un trait d’esprit, moins encore, un jeu de mots, a l’honneur de la mettre en branle, et de s’en rendre maître pour un moment ! […] Je reconnais encore le grand écrivain de tous les temps dans cette critique de certains auteurs de son siècle : « Pourveu, dit-il, qu’ils se gorgiassent en la nouvelleté, il ne leur chault de l’efficace ; pour saisir un nouveau mot, ils quittent l’ordinaire, souvent plus fort et plus nerveux168. » Mais voici qui est de l’écrivain du xvie siècle « Le langage françois n’est pas maniant et vigoureux suffisamment ; il succombe ordinairement à une puissante conception ; si vous allez tendu, vous sentez souvent qu’il languit soubs vous et fleschit ; et qu’à son default le latin se presente au secours, et le grec à d’aultres. » Cette crainte d’en dire trop peu dans le discours, de laisser quelque chose de reste, et que ce reste soit le plus important, est bien d’un siècle plus affamé de connaissances que de vérité. […] Aussi Montaigne appelle-t-il le latin et le grec au secours de l’écrivain : « Et que le gascon y arrive, ajoute-t-il, si le françois n’y peut aller. » C’est la théorie de Ronsard.