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1326. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Blanca, dans le Dernier des Abencérages, voit venir Ben Hamet du haut du rivage : « Elle aperçut une longue barque dont la proue élevée, le mât penché et la voile latine annonçaient le génie des Maures. […] Le seizième et le dix-septième siècle n’ont vécu que de l’imitation grecque ou latine. […] La Provence, on la retrouve entière dans la poésie de Jean Aicard : l’enchantement de ses saisons ; ses nuits d’été, chaudes de moissons laites et tout odorantes de foin coupé ; la tiédeur de son ciel assoupissant la mer infinie sous les larges étoiles qui scintillent comme « des diamants à la lumière ; les beaux soleils fixes chauffant les routes du littoral sous les pins parasols, dans le parfum du genêt d’or et l’odeur saline des algues ; les collines craquantes, les terres fendillées de chaleur, les torrides midis bouillonnants de cigales, les sauterelles qui sautent sur les vignes, les chaumes blancs de poussière ; pays de rêve, où les troncs d’arbres sont roses elles pierres bleues de lumière ; pays du romarin en fleuret des abeilles sonores ; jolies Arlésiennes au profil grec, Phocéennes de Marseille ; Sarrasines de Grimaud ; villages endormis sous les platanes dans la lourdeur du soleil ; pays des étés secs où chante Mignon ; pays du marbre rose et des villas blanches, où l’Ombre n’est jamais noire ; où toute couleur est dorée, lilas, bleue, aérienne ; où la lumière est une folie des yeux ; où l’air a l’odeur du figuier et des résines ; ouragans de mistral qui sablent les vitres ; millions de rossignols chantant le long des rivières dans les verdures de mai ; brousses d’Afrique ; grandes herbes ; calanques de Cassis ; bastidons blancs comme des marabouts ; voiles latines ; golfes rayonnants, plages d’or ; cabanes de pêcheurs où les paysannes dansent pieds nus, sur les terrasses en pierres sèches, à l’ombre odorante des treilles et au ronflement sourd de la mer contre les galets. […] Malgré l’hostilité ultra-moderniste de quelques écoles, la connaissance approfondie des classiques grecs et latins paraît être le fondement de toute culture et de toute production. […] Pour être sûr de ne pas perdre votre personnalité dans une assimilation étroite des œuvres contemporaines, remontez aux Grecs, aux Latins, à nos prosateurs du dix-septième et du dix-huitième siècle.

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