Ses personnages turcs, chinois, arabes ou américains, sont bien plus des Français, que les Grecs et les Romains de Racine et de Corneille, et comme ce sont des Français du siècle de Louis XV, au lieu d’être des Français du siècle de Louis XIV, leur langage est moins grand, moins pur et moins idéal Ce n’était plus devant madame de la Vallière, mais devant madame de Pompadour qu’ils parlaient. […] Shakespeare au contraire est un génie qui répond à toutes les passions modernes, et qui nous parle de nous dans notre propre langage ; et puis, les moyens d’exécution de ses ouvrages sont à peu près les mêmes que pour nos tragédies. […] C’est l’ordre des idées, la grâce ou la sublimité des expressions, l’originalité des tours, le mouvement et la couleur, l’individualité du langage, qui composant le style ; c’est après une peinture éloquente de toutes ces qualités, que Buffon a dit : le style est l’homme même. […] Comme si on pouvait séparer l’idée de l’expression dans un écrivain ; comme si la manière de concevoir n’était pas étroitement unie à la manière de rendre ; comme si le langage enfin n’était qu’une traduction de la pensée, faite à froid et après coup ! […] Et puis quel misérable progrès de de versification, qu’un logogriphe en huit alexandrins dont le mot est carotte ou chien-dent… Ce qu’il y a de plus triste c’est que beaucoup de nos auteurs ont transporté ce feux langage dans la tragédie.