La grâce avec l’indulgence y respire ; la bouche exprime la bonté ; l’œil large et spirituel, le coin souriant des lèvres, la rondeur et la mollesse des tempes, composent une physionomie ouverte et sensible, où la joie laisse percer peut-être un dernier fonds de tristesse. […] Mais, si huit mois d’éloignement et de silence peuvent vous paraître une satisfaction suffisante, je me flatte, monseigneur, que votre bonté achèvera de se laisser toucher en considérant que mon caractère est tout à fait exempt de malignité, que, dans plus de quarante volumes que j’ai donnés au public, il ne m’est rien échappé qui soit capable d’offenser, et que l’accident même qui fait mon crime n’a été qu’un aveugle sentiment de charité et de compassion pour un malheureux camarade d’école que j’ai voulu secourir dans sa misère après l’avoir aidé longtemps de ma propre bourse… M. le curé de Saint-Sulpice et Mlles de Raffé du Palais-Bourbon, qui l’ont assisté aussi à ma recommandation, ne me refuseront pas ce témoignage. […] L’abbé Prévost a l’apologie persuasive : ici le cas était léger ; M. de Maurepas se laissa fléchir, et le fugitif, en retrouvant sa place auprès du prince de Conti, reprit sa même vie, ses mêmes sociétés faciles, et ses habitudes plus que jamais laborieuses. […] Nous devons ce renseignement à une communication de la famille, qui ne peut laisser aucun doute. […] Laissons la statue aux hommes célèbres qui ont marché sur cette terre avec autorité, d’un pied sûr, orgueilleux ou solide : pour l’homme de lettres, pour le romancier, pour celui que l’amour de la retraite poursuit jusque dans le bruit, pour ceux qu’une demi-ombre environne et que plutôt elle protège, pour ceux-là c’est le buste qui convient, et celui de l’abbé Prévost, placé comme il l’est aujourd’hui, répond bien à ce qui eût été son espérance la plus haute et son plus doux vœu.