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704. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

» Mais je laisse avec confiance une si belle épopée à ce jeune espoir des poètes. […] Ils avaient laissé huit ou dix paires de sabots très petits sur la place : la petitesse des sabots disait l’âge des enfants par la mesure des pieds qu’ils avaient chaussés. […] Quand on compose laborieusement le diadème littéraire de son siècle pour les princes de l’art en tout genre, il ne faut pas laisser de telles perles orientales éparses sur les rivages de notre mer du Midi, sans les ramasser et sans les enchâsser dans la mémoire. […] Je la reconduisis tout ébloui d’intelligence jusque sur le palier de ma petite maison ; elle marchait devant moi dans le soleil, et j’avoue qu’au lieu d’une trace d’ombre derrière elle, elle me semblait laisser une trace de lumière sur les dalles qu’elle avait foulées en se retirant. […] Malédiction, ô cher compagnon de mes jours de fatigues, à ceux qui t’ont laissé dix ans brouter déferré sur cette herbe sèche, et moi languir inutile dans cette masure presque démolie sur ma tête, pendant que le sang généreux de la force et de la liberté coulait encore, inutile, dans nos vieilles veines !

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