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510. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Bonstetten, déjà aguerri au monde, qui avait vu du pays et beaucoup comparé, ne se laissa point prendre à ces caresses et à ces flatteries : il s’en raille agréablement. […] Ramené encore une fois à Berne après tous ces retards et tous ces longs tours, déjà averti de mûrir par la mort de son excellent père qui, en disparaissant, lui laissait ses recommandations plus présentes avec l’exemple de ses vertus, il se résigne enfin à cette vie publique dont l’heure pour lui a sonné. […] On croit entendre milord Édouard morigénant un peu fastueusement Saint-Preux ; Il ne laisse pas d’être singulier de voir un historien, et l’historien d’un pays libre, faire fi à ce point de la pratique politique, comme si les anciens qu’il invoque n’avaient pas dû à l’exercice des charges publiques et au maniement des affaires le sens et l’intelligence supérieure qu’ils portaient ensuite dans leurs livres ; comme si Thucydide, Salluste et Cicéron n’avaient fait dans toute leur vie qu’une seule chose, — écrire. […] Bonstetten, lui, n’a rien de cette ambiguïté, de cette odieuse condition d’amphibie ; il écrit comme il parle, et il parle en même temps qu’il pense ; je laisse aux Allemands le soin de le qualifier par le côté qui leur appartient, mais en tant qu’il nous regarde et qu’il s’adresse à nous, il est, comme Grimm, un des nôtres. […] Comme adoucissement et consolation à ce qui ne laissait pas de lui donner bien des ennuis, Bonstetten avait la société et l’amitié.

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